Bloc





UN CONSTAT

Le constat est simple, il n’y a pas d’argent pour rénover ces immeubles, et les espaces
communs. Le peu de moyens dont disposent les habitants sont investis dans leurs intérieurs.
Ces quelques chiffres nous laissent aisément comprendre pourquoi :
La part des charges dans le budget des familles a été en continuelle hausse, elle représentait 14% du budget en 1994 (la moyenne des classes de revenus), 20% en 2000 et 26% en 2001 et prévue en 2003 à hauteur de 35%40. Selon les revenus des familles, cette part des charges variait entre 94% du budget pour les catégories les plus pauvres, 34% du budget d’un salaire moyen et 20% du budget d’environ 250 euros. 41
La situation du logement dans la ville est critique, peu de nouvelles constructions
accessibles à tous et un parc existant vétuste. Il faut donc ardemment réfléchir à l’avenir de
ces ensembles et à l’heure de trouver des solutions architecturales pour ce quartier, il
semble tout aussi important de trouver des moyens de financement et des démarches de
projet alternatives.

UNE RESERVE FONCIERE LOCALE

Comme nous l’avons déjà expliqué précédemment ces quartiers malgré leur forte densité présente une certaine réserve foncière, plus ou moins évidente. Si auparavant nous avons mis en évidence celle à l’échelle de la ville, d’autres espaces plus modestes peuvent cependant se révéler intéressants et jouer leur rôle à l’échelle du bloc et du voisinage.

Si le long des grandes avenues, les immeubles avoisinent le R+10, derrière ces façades gigantesques, se cachent en réalité des constructions aux dimensions plus modestes dépassant rarement les R+4. Dans quelles mesures les toits de ces immeubles pourraient accueillir de nouveaux projets ?


Un des avantages de cette hypothèse - et qui tend à la rendre réaliste - est qu’elle représente en fin de compte un des seuls espaces communs appartenant clairement aux
propriétaires, à la différence des autres espaces, extérieurs notamment, dont nous avons évoqués les problèmes juridiques auparavant.
Cette réserve foncière pourrait (et commence déjà à l’être dans certains cas) se retrouver
exploitée sans réflexions préalables par des investisseurs peu scrupuleux de l’intérêt des
habitants.

Il existe cependant d’autres espaces, comme par exemple ce que j’appelle « les patios » dont la propriété semble évidente et clairement définie.

MECANISME DU PROJET

L’idée du projet à cette échelle est de rendre les habitants conscients et « maîtres » de leurs espaces. « Spéculons nous-mêmes avant que d’autres ne le fassent à notre place » pourrait être un titre provocateur et emblématique de mes intentions. Plutôt qu’une spéculation abusive externe (souvent crainte par la plupart des occupants), je propose aux habitants de réfléchir eux-mêmes à l’avenir de ces espaces dont ils sont propriétaires.

Quels investisseurs ?

La question des investisseurs est cruciale, mais il s’agit avant tout d’investissements ponctuels et il en faut pas les considérer à grande échelle. Chaque bloc est une nouvelle question, une nouvelle négociation, et faire des prévisions serait inutile. L’offre oscille entre des investissements d’ordre public et des investissements d’ordre privé. Etant donné la frénésie constructive bucarestoise, il n’est pas difficile d’imaginer des investisseurs privés intéressés par la densification de certains toits ou terrains, dans un contexte urbain déjà constitué, bien relié au centre ville et encore peu investi. Quand à l’investissement public, dont la dimension et le contexte sont plus difficiles à prévoir en Roumanie, on peut cependant imaginer qu’il existe, notamment grâce aux
financements européens. En effet bien que parler d’union européenne à cette échelle puisse paraître inapproprié, les financements de cette dernière constituent une part importante dans le budget de la Roumanie et ce à tous les postes. De plus certains faits, comme le saccage du patrimoine roumain, se sont déjà retrouvés au parlement européen afin d’alerter l’opinion publique hors des frontières du pays. La Roumanie n’est plus aujourd’hui totalement isolée, et doit donc référer de ses actes et investissements, notamment à l’échelle européenne. Dans ce sens des injections de promotion publique semblent imaginables.

Quel moteur ?
Comment fédérer et faire que les habitants, deviennent artisans de leur avenir ?


Un des aspects du projet et une part importante du travail réside donc dans la redynamisation des associations présentes (voire la remodélisation), la motivation et l’engagement des habitants. Il faut créer une nouvelle prise de conscience cette fois à l’échelle des habitants et les mettre face non pas à leurs responsabilités mais au pouvoir de décisions et d’engagements qui de fait leurs appartiennent. En d’autres termes, agir plutôt

que subir, agir plutôt qu’attendre. Les différentes enquêtes que j’ai pu lire, les rencontres et les échanges que j’ai réalisés montrent combien cet aspect est un des freins à tout projet dans ces quartiers. Comme je l’avais déjà amorcé dans le chapitre précédent, la place de l’architecte dans ce débat semble cruciale mais pas forcément là où nous pourrionsl’attendre.

I M A G I N A I R E D E S P O S S I B L E S

Quels programmes ?

Il existe une multitude de programmes nécessaires au quotidien des habitants de Berceni. Le choix de ces
derniers est étroitement lié avec celui des investisseurs.Un élément ressort cependant régulièrement dans les entretiens avec les habitants, c’est celui des commerces et des bureaux. Ils se plaignent de cette désorganisation, des dommages créés par les aménagements spontanés et illégaux des boutiques en RDC, ou même en étage. On pourrait alors imaginer regrouper ces boutiques sur un des espaces abandonnés autour du dit bloc et libérer ainsi les RDC et leur rendre leur vocation première : Habiter.

Le loisir semble également être une question centrale, Berceni n’offrant pas ou peu de distractions à ces
habitants. Pourquoi ne pas imaginer un terrain de tennis sur le toit, offrant une vue sur le quartier ? Ou bien un
café à l’image de la Motoare dont on installerait une annexe à Berceni ? L’idée de ma démarche n’est pas
d’imposer des programmes, mais plutôt de révéler certains besoins. La décision serait selon moi le fruit d’une médiation entre habitants intéressés et médiateurs urbains par le biais des associations de voisins ou propriétaires.


Un bénéfice ?

Le bénéfice que les habitants peuvent tirer de cette stratégie est double. Tout d’abord l’aspect financier.
Selon les programmes, la location des sols appartenant aux habitants peut rapporter plus ou moins d’argent. Je pense par exemple à l’investissement de promoteur dans des logements de standing en surélévation, qui serait d’avantage prêt à débloquer des fonds conséquents que les pouvoirs publics en investissant dans une maison de quartier, un centre culturel ou tout autre mini-équipement. C’est donc là qu’intervient le second bénéfice, celui de l’usage. En effet, la construction de logements pour reprendre cet exemple, n’apporterai aucune amélioration dans l’usage et le quotidien des habitants, à la différence d’un investissement public sur un équipement. Le jeu est donc d’allier intelligemment ces deux bénéfices dans un compromis, qui dépasserait celui du seul bloc.

Bloc+bloc+bloc…

Si la stratégie laisse d’abord imaginer que chaque bloc décide de l’avenir de son toit en y installant ce que bon lui semble sur ce dernier ou dans les espaces attenants qui lui appartiennent. Si ma démarche tend à redonner une liberté aux habitants et un certain pouvoir, il ne faut cependant pas pour autant tomber dans un cas extrême qui ne serait que le reflet de ce qui se passe actuellement ailleurs dans la ville, la construction individuelle et frénétique, dénuée d’intérêts communs. C’est pour cela que selon moi se pose la question d’un éventuel regroupement ou découpage non pas administratif mais d’avantage associatif, pertinent, et pas forcément systématique. Plutôt donc que d’agir par bloc, agir par petits groupes de blocs, afin de se
poser ensemble les questions de densifications possibles, de partager les besoins et les programmes, et trouver des intérêts communs. Lorsque l’on regarde le plan, certains redécoupages semblent évidents, certains immeubles formant par exemple des patios internes comme nous l’avons montré précédemment, on peut imaginer qu’ils décident ensemble d’un objectif commun à mettre en place, sur leurs territoires, afin de ne pas assister à une redondance de certains programmes.

Qui fait quoi ? Quels acteurs ?

Ce projet doit émaner d’un souhait des habitants en premier lieu, une fois informés des possibilités, de leurs droits et responsabilités.
La concertation donc doit d’abord être interne aux propriétaires, avant de faire appel à un
médiateur urbain prenant le relais de leur décision et surtout de leurs envies.
Son rôle serait de relayer et de connecter les intentions des habitants avec les réalités de la ville et du marché, et d’apporter des conseils comme par exemple :

_ FORMALISER UNE OFFRE DES HABITANTS POUR LES INVESTISSEURS

_INFORMER SUR LES REELLES POSSIBILITES

_TEMPERER LES INVESTISSEURS ET LES HABITANTS FACE AUX BESOINS ET PROJETS DU

QUARTIER

_AIDE JURIDIQUE ET LEGISLATIVE

_ REPERER LES POTENTIELS ET LES INVESTISSEURS (PUBLICS / PRIVES) POSSIBLES


Ces médiateurs, dans le cas d’un scénario idéal, devraient être mis en place par les
pouvoirs municipaux. En effet si, comme nous l’avons expliqué, ils n’ont à priori pas à
s’engager financièrement dans la rénovation poussée de ces quartiers et de ces bâtiments,
ces derniers constituent cependant la ville, participe à son image, à son évolution.
C’est en partie pour cela que selon moi la ville doit tout de même être capable de
s’engager d’une certaine manière, notamment par la mise en place de médiateurs urbains.
Elle ne rénove pas la ville mais favorise sa rénovation et propose un cadre.